Une brève histoire de la Constitution camerounaise
Par Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Le Cameroun devint indépendant le 1er janvier 1960 après un douloureux processus de décolonisation qui fut en fait une guerre civile brutale menée par la Françafrique contre les patriotes camerounais, alors dépeints comme des «Maquisards», et non comme des dissidents politiques légitimes. Le résultat de cette décolonisation bâclée est l’institutionnalisation de l’état d’exception permanent et l’accent mis sur l’ordre publique au-dessus des droits individuels. En ce sens, il n’y a jamais eu, ni évolution constitutionnelle, ni des lois guidées par les idéaux humanistes et réformistes dans le pays.
En fait, les Camerounais ordinaires n’ont jamais joui du privilège de l’Habeas Corpus.
Une requête en habeas corpus est une requête déposée auprès d’un tribunal par une personne qui s’oppose à sa propre détention ou à celle d’un autre. Au lieu de cela, la raison d’État et la sécurité nationale l’ont toujours emporté sur la loi. C’est ce qui explique pourquoi, sous le régime d’Ahidjo, des prisonniers politiques ont été torturés et emprisonnés indéfiniment dans des cachots extrajudiciaires tels que Yoko et Tchollire. Aussi, le résultat a été la poursuite d’une politique d’obscénité qui a commencé avec les opposants dit « Maquisards » traqués dans les buissons et abattus sans ménagement au mépris de toute procédure régulière. Il y a aussi eu toute une grande partie de la population civile bombardée au napalm par les troupes françaises.
En conséquence, la principale caractéristique de la politique constitutionnelle camerounaise est qu’elle n’est qu’une extension de la politique en soi, et qu’il est facile de changer les choses en fonction de la manière dont les étoiles politiques sont alignées. Ainsi la constitution camerounaise de ces dernières années nous en dit plus sur l’état de la politique camerounaise que sur les principes sous-jacents au gouvernement constitutionnel dans ce pays. La réforme constitutionnelle au Cameroun suit la ligne de la moindre résistance politique, souvent avec des conséquences involontaires telles que faire de Paul Biya le président à vie, et entériner la notion de pouvoir sans responsabilité malgré les protestations courageuses du ministre d’État Marafa Hamidou Yaya précisément maintenu en prison en violation de ses droits constitutionnels.
Le fait que le ministre d’État Marafa et un gouvernement entier soient maintenant en prison tiennent également au rôle changeant de la fonction publique au Cameroun.
En effet traditionnellement le travail des fonctionnaires consistait de fournir à leurs supérieurs politiques des conseils, un soutien technique, voire des avertissements sceptiques si nécessaires, apportant l’apparence d’une mémoire institutionnelle lorsque cela était possible. Ils l’ont fait dans des conditions d’anonymat public plus ou moins complet. Les fonctionnaires camerounais ont servi de mandarins mais sont maintenant considérés comme des gestionnaires. Pourtant, la conséquence est qu’il est devenu beaucoup plus difficile de savoir qui est responsable de quoi et que ce soit littéralement un régime sans (obligation de) responsabilité.
De plus, la catégorie de «l’adversaire» politique aura de facto été construite comme un ennemi biopolitique. Ainsi l’activisme des droits humains a été politisé de sorte que tout Camerounais ordinaire exigeant ses droits inaliénables est encore aujourd’hui considéré comme un fauteur de troubles anarchiste, subversif, dangereux opposant et soumis immédiatement à un régime d’exception. En pratique, les militants des droits humains, tels que Joël Didier Engo, président du CL2P ont les cicatrices pour le prouver. Depuis qu’il assume ouvertement sa défense des droits humains au Cameroun, Joël Didier Engo a été soumis à toutes les formes d’abus, de menaces, et est pratiquement réduit à vivre en exil (sous la filature des agents du régime certainement affectés pour venir le lui «signifier»). C’est le résultat d’un pays qui a intériorisé l’hégémonie de l’impulsion autoritaire de l’État camerounais. Un pays enraciné dans une histoire de despotisme légal où il n’y a pas de déclaration des droits ni d’acte d’accusation sans idéologie politique. En conséquence il n’y a aucune véritable protection constitutionnelle assurée aux libertés individuelles, ni aucune accusation instrumentalisée à des fins politiques qui soit basée sur des preuves suffisantes et irréfutables.
Bref, nous sommes souvent face à des accusations basées sur des préjugés et montées de toutes pièces à partir des dits préjugés véhiculés dans l’opinion publique, avec des possibilités réduites voire inexistantes de contre-interrogatoire et des références plus que suspectes à des dispositions inappropriées du code de procédure pénale. À cela s’ajoute un manque d’une stratégie d’atténuation, c’est-à-dire la possibilité de calibrer les accusations criminelles avant même qu’elles soient prononcées. Notamment dans des cas comme celui de l’opération dite ‘Épervier qui ne concerne pas vraiment la transgression économique (l’enrichissement illicite n’étant toujours pas formellement incriminé au Cameroun), mais d’abord et uniquement la possibilité pour le régime tyrannique de Paul Biya, en usant de l’argument de la corruption, de dégager ou exclure définitivement du champ de bataille politique toute forme d’opposition afin de parvenir à son objectif de couronnement présidentiel.
Ce genre de tactiques cyniques n’aidera évidemment jamais une société brisée.
De plus, si le régime de Paul Biya est vraiment sérieux au sujet de la corruption, il devrait commencer par refuser de se plier aux conditions économiques draconiennes que lui imposent la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. L’approche rationnelle voudrait en effet dans cette situation que les nations africaines mettent par exemple en place une banque centrale avec des succursales locales dans toutes les nations constitutives de l’Union africaine; et puissent émettre une monnaie africaine. Cela peut être fait, mais certains gouvernements illégitimes, corrompus et sanguinaires d »Afrique ne sont pas si enclins.
Alors pourquoi toujours continuer à se plaindre de la persistance des discriminations, des inégalités, du marasme économique, de la corruption endémique, de la Banque Mondiale et du FMI… si des banques alternatives et institutions régionales ne peuvent pas être facilement substituées?
En réalité tout se tient: la perpétuation des dictatures dans nos pays d’Afrique centrale et le rôle disproportionné voire le diktat des institutions de Bretton Woods.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
English version
A Brief History of the Cameroonian Constitution
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
Cameroon who became independent on January 1, 1960 after a painful and trouble decolonization process which was in fact a brutal civil war waged by the Francafrique against Cameroonian patriots portrayed back then as “Maquisards,” therefore, not legitimate political dissidents. The result of that botched decolonization is the institutionalization of the state of exception and the emphasis on political order over individual rights. In this sense, there were neither constitutional development nor a law driven by reformist humanist ideals in the country.
As a matter of fact, ordinary Cameroonians have never enjoyed Habeas Corpus.
A habeas corpus petition is a petition filed with a court by a person who objects to his own or another’s detention or imprisonment. Instead, national security trumps the law which explained why under the Ahidjo’s regime political prisoners were tortured and imprisoned in extrajudicial dungeons such as Yoko and Tchollire. Thus, the result was the continuation of a politics of obscenity which began with the “Maquisards” brick tracked down in the bushes and shot dead without any due process. There were also large population being bombed on napalm by the French troops.
As a result, the salient feature of Cameroonian constitutional politics is that it is just an extension of politics per se, and how easy it is to change things depends on how the political stars are aligned. So the Cameroonian’s constitution in recent years tell us more about the state of Cameroonian’s politics than about the underlying principles of constitutional government in this country. Constitutional reform in Cameroon follows the line of least political resistance, often with unintended consequences such as making Paul Biya president for life and enshrining the notion of power without responsibility despite the brave protestations of the like of senior minister Marafa Hamidou Yaya which is now serving time in prison.
The fact that senior minister Marafa and an entire government now sits in prison apply to the changing role of the civil service in Cameroon.
The traditional job of civil servants was to provide their political superiors with advice, support, skeptical warnings where necessary and the semblance of an institutional memory where possible. They did this under conditions of more or less complete public anonymity. Cameroonian’s civil servants served as mandarins but are now being seen as managers. Yet the consequence is that it is much harder to know who is responsible for what in what looks like a regime without responsibility.
More, how the category of the political “opponent’ was de facto made biopolitical. Human right activism was politicized so that any ordinary Cameroonians demanding his right is even today a troublemaker subjected to a regime of exception. In practice, human right activists, such as Joel Didier Engo, president of the CL2P have the scars to prove it. Since, his defense of human rights in Cameroon, Joel Didier Engo has been subjected to all forms of abuses and is practically reduced to live in exile. This is the result of a country which has internalized the hegemony of authoritarian impulse of the Cameroonian state. A country embedded in a history of legal despotism where there is no bill of rights nor Bill of indictment. Thus, no real constitutional protection of individual liberties nor written accusation of one or more persons, of a crime or misdemeanor, lawfully presented to a grand jury, convoked, to consider whether there is sufficient evidence of the charge contained therein to put the accused on trial.
In short, accusations are often drenched in biases, reduced possibilities of cross-examination and a suspect codes of criminal procedures. More, a lack of mitigation strategy which is to possibility to settle criminal charges before they are even filed. Especially, in cases, such as the Epervier, which is not really about economic transgression but the Biya’s regime forcing the issue of corruption to clear the political battlefield for its own political coronation.
This kind of cynical tactics will not help a broken society.
More, if the Biya’s regime is really serious about dealing with corruption, it should begins by resigning from the harsh economic conditions of the World Bank–and International Monetary Fund. The rational approach to this situation would be for African nations to set up a Central Bank with branch banks in all of the constituent nations of the African Union and issue an African currency. It can be done, but the thieving and corrupt governments of Africa are not so inclined. Why bleat about discrimination, corruption and the WB and the IMF when alternative banks could be easily set up?
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P