J’ai eu l’honneur de connaitre Monsieur Medouana Vamoulke. J’avais alors 18 ans. Il en avait 23. C’était l’été 73 à l’hôtel Iroquois au vieux Montréal. La trajectoire des finissants de l’Esijy passait par le Québec. C’était un garçon paisible. Sérieux. Plus tard, bien plus tard, il est nommé Directeur de l’Imprimerie Nationale de Yaoundé, ancienne Imprimerie impériale crée à Buea par les allemands en 1909, devenu, avec l’indépendance du Cameroun, l’Imprimerie Nationale.
A la surprise de tous, il démissionne de cette coquille devenue vide en 1994 je crois. Quelques temps plus tard on le retrouve aux cotés de son ami James Onobiono comme conseiller du PDG. Le grand James est fidèle en amitié. Il a beaucoup de respect pour Vamoulke qui le lui rend bien. A Sitabac, il sera également directeur de l’administration, de la logistique et des ressources humaines. Malgré les gros tangages du bateau en proie aux attaques des requins, les trahisons internes et externes, il est resté aux cotés du capitaine dans un bateau balloté par une mer houleuse…jusqu’en 2005.
Voici maintenant Amadou Vamoulke nommé DG de la Crtv en remplacement d’un iconoclaste éclairé. La succession est difficile. La Crtv c’est le pré-carré du sérail. Mais l’intrus a la physique de l’emploi : président du Réseau de l’Audiovisuel Public d’Afrique Francophone (Rapaf) et de l’Union des Radios et Télévisions Internationales (Urti). « Rien à redire sur la compétence ou l’expérience de l’homme. Mais alors quoi ? Un penchant pour l’argent ? « Non ! », répondent instantanément ceux qui l’ont côtoyé avant et pendant son séjour à la Crtv, aussi bien dans le cadre professionnel qu’en dehors », écrit Mutations…
L’ancien rédacteur en chef du quotidien national de 1981 à 1984, doit redresser une barque truffée de baronnies qui l’attendent de pied ferme : « A l’époque, en 2005, on parle déjà de succession à la tête du pays. Et l’arrivée de quelqu’un qu’on ne contrôle pas forcément à la tête d’une entreprise considérée comme un outil de pouvoir ne fait pas que des heureux. Ce sera la première vague d’adversaires.
Il y a également ceux qui, sous Gervais Mendo Ze, bénéficiaient d’avantages faramineux qu’ils perdent avec le nouveau Dg. En réalité, à son arrivée, l’équipe est démobilisée. D’où les appels à candidature qui seront lancés pour les postes de directeurs à la suite d’un audit. « D’autres inimitiés viendront du fait que les employés sans avantages particuliers sous l’ancien Dg espéraient voir leur situation s’améliorer. Or, du fait des difficultés de l’entreprise, rien n’a pu bouger. En plus, il n’était pas dans les prérogatives du Dg de procéder par exemple à une revalorisation des salaires », précise notre source.
« Je crois que le personnel, et je leur ai déjà dit à plusieurs occasions, doit avoir un minimum de culture économique. On ne peut pas supprimer les avantages pour le simple plaisir de supprimer, ou pour être désagréable envers les gens. La science de l’économie, dit-on, c’est la science de l’allocation des ressources rares. Autrement dit, lorsque les sources sont rares, il faut les distribuer de manière optimale qui permette à l’organisation de fonctionner et de se perpétuer ». dira Vamoulke dans une interview
« Cause toujours mon gars ! Le seul critère c’est l’estomac, et les mécontentements organisés, les délations, les rapports tronqués te feront tomber »…
La gestion du Dg sera régulièrement traquée. Des missions de la Conac défilent à la Crtv sans rien trouver. Mais ceux qui en ont après Vamoulke ne se lasseront pas. Jusqu’à cette fameuse affaire de coaction avec Gervais Mendo Ze, son prédécesseur à la Crtv. Une inculpation à laquelle il ne comprend toujours rien. Tout comme il continue de s’interroger sur ce qu’il ce qu’il considère comme un acharnement contre sa personne.
L’acharnement continue même en prison : 22 renvois qui viennent s’ajouter sur une santé déclinante. L’hôpital central de Yaoundé, recommande “une évacuation dans un centre spécialisé” justifiée selon les médecins par “un plateau technique limité et la sévérité de l’affection neurologique” dont souffre le journaliste. L’hôpital américain de Paris à qui le dossier médical d’Amadou Vamoulke a été transmis pour avis estime que l’homme de 69 ans présente “un tableau déficitaire des deux membres, sévère et évolutif” qui nécessite des examens et des traitements “qui semblent difficiles à réunir sur place”.
La justice camerounaise va-t-elle laisser Amadou Vamoulke mourir à petit feu derrière les barreaux de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé. Va-t-il falloir attendre un drame pour que le calvaire subi par ce journaliste qui n’a toujours pas été jugé plus de trois ans après son arrestation prenne fin?
Par Edouard Kingue