La Cour suprême devra rendre sa décision sur la condamnation à 20 ans prononcée en octobre 2013 par le Tribunal criminel spécial contre l’ancien secrétaire général à la présidence de la République et son co-accusé Ephraïm Inoni, ancien Premier Ministre. A l’audience du 13 juin dernier, un conseiller-rapporteur de la Cour avait suggéré à cette dernière la confirmation de la décision du Tribunal. Accusés du détournement d’une somme de 1,7 milliards de F CFA dans le cadre de la gestion de la dette de la défunte Cameroon Airlines, les condamnés clament leur innocence.
« Je n’ai détourné aucun franc de l’Etat », a déclaré Jean Marie Atangana Mebara le 13 juin dernier à la Cour suprême à Yaoundé. L’ancien secrétaire général à la présidence (du 24 août 2002 au 22 septembre 2006) et son adjoint au moment des faits, Chief Ephraïm Inoni (Premier Ministre entre le 8 décembre 2004 et le 30 juin 2009) ont été condamnés à 20 ans de prison ferme le 2 octobre 2013 par le Tribunal criminel spécial (TCS) pour le détournement de 1,7 milliards de F CFA dans le cadre de la gestion de la défunte Cameroon Airlines.
L’un des conseiller-rapporteur a proposé à la Cour suprême de confirmer cette décision du TCS et par conséquent de rejeter le pourvoi introduit par les conseils de Jean Marie Atangana Mebara. Dans un premier volet de cette affaire, ce dernier est accusé d’avoir courant janvier 2003 détourné un montant de 283,4 millions de F CFA à travers la violation des règles de passation des marchés.
Message porté anti-daté
En effet, il lui est reproché d’avoir à travers un message porté imposé au ministre des Transports une entreprise dans un marché d’audit des loyers de la défunte Cameroon Airlines (Camair). Les juges du TCS se sont appuyés sur un message porté daté du 2 décembre 2002 pour estimer que l’ancien proche collaborateur de Paul Biya n’a laissé aucune marge de manœuvre au ministre des Transports et au Premier Ministre (autorité des marchés publics).
Or non seulement le message-porté date plutôt du 29 janvier 2003 mais il intervient après que le marché ait été autorisé le 3 janvier 2003 par le Premier Ministre et négocié par le ministre des Transports de l’époque, comme l’exigeait la réglementation en matière de marchés publics à l’époque des faits. Le marché a été signé le 30 janvier 2003 entre l’Etat du Cameroun et le cabinet d’audit APM.
S’agissant de l’autre volet de l’accusation, Jean Marie Atangana Mebara est accusé d’avoir détourné 1, 425 milliards de F CFA dans le cadre du règlement de la dette due par la Camair à un loueur d’avion australien alors que non seulement ce dernier a accusé réception des sommes dues (et remboursé le trop perçu) mais aussi le déblocage des sommes a été effectué par le ministre des Finances de l’époque.
Détention arbitraire selon l’UA
En janvier 2016, la Cour suprême a confirmé la condamnation à 15 ans de prison infligée à Jean Marie Atangana Mebara par la Cour d’appel du Centre le 8 octobre 2012 alors que d’après la loi du 14 décembre 2011, elle n’aurait pas dû connaître de cette affaire pour laquelle l’ancien ministre a été acquitté en instance. Le 22 juin 2016, il a été condamné à 25 ans de prison ferme par le TCS pour le détournement de 4 milliards de F CFA, soit quelques semaines après que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine (UA) ait reconnu le caractère arbitraire de sa détention.
Depuis juin 2014, Jean Marie Atangana Mebara est reconnu comme un prisonnier politique par le Comité de libération des prisonniers politiques (CL2P), une ONG basée à Paris en France. Plusieurs mois avant son arrestation le 1ER août 2008, il a été présenté par des bulletins des services secrets camerounais commentés par la presse locale comme un membre du G11, mouvement constitué de hauts fonctionnaires relativement jeunes soupçonnés de s’emparer du pouvoir suprême en perspective de la présidentielle de 2011.
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COMMENT LE CLAN BIYA VEUT FAIRE CONDAMNER LE DÉTENU POLITIQUE JEAN MARIE ATANGANA MEBARA À LA COUR SUPRÊME SUR LA BASE D’UN MESSAGE-PORTÉ
La cour suprême va se prononcer mardi 27 juin prochain sur la condamnation de Jean Marie Atangana Mebara (en train de saluer l’ancien SG de l’ONU, Koffi Annan) à 20 ans de prison ferme par le TCS le 2 octobre 2013.
Ancien secrétaire général à la présidence détenu à la prison centrale de Yaoundé depuis 2008, une des affaires lui ayant valu cette condamnation c’est le marché d’audit des contrats de location d’avion par la défunte Cameroon Airlines attribué au cabinet APM. Un marché de plus de 284 millions de FCFA.
Dans sa décision, l’ex-président du TCS, Yap ABDOU, a estimé qu’à travers un message-porté (voir ci-dessous) daté du 29 janvier 2003, Jean Marie Atangana Mebara a imposé APM au ministre des Transports. Ce dernier a signé le marché le lendemain “en violation de la réglementation des marchés publics “, avait estimé Yap ABDOU.
Pourtant, l’ancien ministre n’est intervenu qu’après que le marché ait été autorisé par le Premier Ministre le 3 janvier 2003 puis négocié par le ministre des Transports de l’époque, John Begheni Ndeh qui en a ailleurs rendu compte au PM le 15 janvier 2003.
Nulle part dans la décision de condamnation il n’a été question d’enrichissement illicite ni de la rétention ou d’obtention frauduleuse de la chose publique. Une forfaiture concoctée par le clan Biya et que la Cour suprême est sur le point d’avaliser.
Michel Biem Tong, Journaliste, Correspondant du CL2P au Cameroun
Hurinews.com