Violence, Tabou systémique et Production de parias à Yaoundé
La violence génocidaire qui sévit dans les régions anglophones du Cameroun, si ce n’est pas le cas, le génocide de basse intensité subis par les Camerounais ordinaires en raison de l’état des infrastructures sociales dégradées dans le pays, fait exploser le mythe selon lequel l’indépendance du Cameroun ainsi que celle de nombreux pays francophones d’Afrique, résultait d’un collectif des lumières et de la rationalité, de la « mission voulue civilisatrice » et/ou du « fardeau de l’Homme blanc ».
En effet, au CL2P, nous sommes conscients que les indépendances n’étaient autre chose que des changements cosmétiques dans les modes de domination, où la bourgeoisie nationale locale dite «Évolués», théorisée par des savants tels que Frantz Fanon, Achille Mbembe et de nombreux romanciers et cinéastes du pays, a remplacé le maître colonial qu’ils respectent d’ailleurs toujours comme un dieu et continuent à imiter ; démontrant ainsi une forme de racisme intériorisé et la continuation des politiques coloniale anti-noire malgré les indépendances. En pratique et par conséquent, si les indépendances ont semblé être un signe de progrès racial, les dirigeants, comme ceux que nous avons en Afrique centrale – une des sous-régions politiques les plus arriérées du monde – ne font que reproduire un élitisme néocolonial très préjudiciable aux indigènes.
Aussi, l’indépendance n’a pas empêché une caste de cyniques et des personnes opportunistes et dominées par des mécanismes de fétichisme et de complexe mimétique du maître colonial de se regrouper, puis se reproduire et monopoliser le pouvoir. Ce monopole de la violence est même devenu un quasi compromis pour se maintenir au pouvoir . Vue sous cet angle la crise anglophone n’est que l’extension logique et la manifestation extrême de cette forme de pouvoir et de cette politique génocidaire. Car dans la pratique, la violence sert à tracer la frontière entre la structure du pouvoir constituée en un système de castes et le camerounais ordinaire relégué au rang de parias, ce que Achille Mbembe appelle «la nécropolitique », où le souverain décide qui doit vivre et qui doit mourir au nom de paix et toujours dans un présent perpétuel.
C’est une théorie également développée par des penseurs tels que Hannah Arendt, notamment sur comment le régime totalitaire fonctionne sur la propension à créer une population superflue. Ce moyen de violence s’articule autour d’une structure organisationnelle qui transforme l’État en loi du plus fort et la bureaucratie rien de moins qu’en fonctionnaires présentés en « grands serviteurs » de la violence.
Cette politique «nécropolitique», cependant, n’a jamais osé dire son nom. C’est précisément en réalité ce tabou systémique qui a perdu le régime de Yaoundé cette fois-ci.
Il suffit de remonter aux débats sur les plateaux de télévision au Cameroun – pas si longtemps que cela – où toute volonté exprimée de dialogue dans la crise anglophone était une source d’ennuis et de procès en tous genres pour ses auteurs…Le dictateur camerounais et ses partisans semblent en la matière avoir la mémoire non seulement courte et sélective, mais véritablement défaillante lorsqu’ils nous vendent unilatéralement un dialogue conditionné aujourd’hui.
C’est d’ailleurs tout le problème de ce pays plongé dans une impunité génocidaire qui n’augure d’aucun réel apaisement, si la nécessaire médiation n’est pas coordonnée par des instances internationales, avec au préalable la désignation d’un représentant spécial de l’Onu sur la crise anglophone et le retour de la paix au Cameroun.
Parce que le pouvoir génocidaire de Yaoundé à hélas perdu toute crédibilité sur le sujet, à force de nier systématiquement l’ampleur des exactions et des crimes de sang perpétrés par ses milices, puis de réprimer sauvagement y compris les populations civiles et les leaders d’opinion favorables dès le début au règlement pacifique de la crise anglophone à travers un dialogue inclusif.
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été longuement prévenu!
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P
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English version
Violence, Systemic Taboo and the Production of Outcasts in Yaoundé
The genocidal violence taking place in the Anglophone regions of Cameroon, if it is not, the low tech genocide experienced by ordinary Cameroonians due to the state of degraded social infrastructures in the country, is exploding the myth that the independence of Cameroon, as many Francophone countries, in the continent was the result of a straightforward enlightened and rational product of the “civilizing mission” or the “White Man Burden.”
Indeed, in the CL2P, we are aware that the independences were nothing but changes in modes of domination where the local national bourgeoisie or “Evolues,” theorized by scholars such as Frantz Fanon, Achille Mbembe and many novelists and filmmakers in the country, replaced the colonial master they still treat with reverence and continue to emulate demonstrating internalized racism and the continuation of anti-black politics despite of the independences. In practice, consequently, while the independences might look like a signpost of racial progress, leaders, like the ones we have in Central Africa, one of the most backwards political sub region in the world, are just reproducing a neocolonial elitism that is very harmful to the natives.
Thus, the independence did not stop a caste of ambitious status seeking people driven and dominated by mechanisms of white fetishism and mimicry to coalesce around and monopolize power. This monopoly on violence becomes the trade off to maintain power and the Anglophone crisis the logical extension and extreme manifestation of that form of power and genocidal politics. Thus, in practice, violence serves to delineate the boundary between the power structure constituted into a caste system and ordinary Cameroonian relegated to the status of outcast something that Achille Mbembe calls “Necropolitics” where the sovereign decides who should live and who should die in the name of peace and a perpetual present.
This is a theory also developed by thinkers such as Hannah Arendt and how totalitarian regime functions on the propensity to create superfluous population. This means of violence is coalesce around an organization structure that turns the state into the law and the bureaucracy nothing but functionary of violence.
This “Necropolitical” policy, however, does not dare say its name. It is actually a systemic taboo that has lost the Yaoundé regime
That systemic taboo is manifested as the Yaoundé’s regime fundamental lack of willingness to dialogue which led to the escalation in the Anglophone crisis and the source of trouble and lawsuits of all kinds that followed in Cameroon…
The Cameroonian dictator and his supporters seem to have the memory not only short and selective, but truly failing. This is the whole problem of this country plunged into a genocidal impunity that does not augur well for any form of real appeasement, if the necessary mediation is not coordinated by international bodies, with the prior appointment of a special representative of the UN on the Anglophone crisis and the return of peace in Cameroon.
The genocidal power of Yaoundé has unfortunately lost all credibility on the subject, by systematically denying the extent of the blood crimes perpetrated by its militias, and then savagely repressing the civilian population and its opinion leaders from the beginning preventing the peaceful settlement of the Anglophone crisis through an inclusive dialogue.
It’s not for lack of being warned at length!
The Committee For The Release of Political Prisoners – CL2P