Officiellement, cela s’appelle une « assistance technique ». Les prochains mois en République démocratique du Congo (RDC) diront de quoi il s’agit vraiment. Mercredi 26 juillet, le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein, a dévoilé les noms des trois enquêteurs chargés d’établir les « responsabilités concernant les événements dans les régions du Kasaï ». Un premier petit pas dans la reconquête de légitimité que semblent esquisser les Nations unies face au régime de Joseph Kabila, resté au pouvoir alors que son deuxième et dernier mandat s’est officiellement terminé le 19 décembre 2016.
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Les trois personnes choisies ont une expérience des enquêtes internationales dans la région. Le Canadien Luc Côté a été conseiller juridique au Tribunal pénal international pour le Rwanda, la Mauritanienne Fatimata Mbaye était membre de la commission d’enquête internationale en Centrafrique et le Sénégalais Bacre Ndiaye a participé à des missions au Rwanda en 1993 et 1994. Leurs investigations porteront sur les violations des droits de l’homme commises au cours du conflit qui oppose, depuis septembre 2016, des milices à l’armée congolaise. L’Eglise catholique congolaise a dénombré 3 000 disparus et les Nations unies ont recensé 1,4 million de déplacés et 80 fosses communes.
« Répression brutale et disproportionnée »
Kinshasa a longtemps bataillé contre la venue d’enquêteurs indépendants, soutenue par l’Union européenne et les Etats-Unis. Surtout depuis l’assassinat, dans des circonstances non élucidées, de la Suédo-Chilienne Zaïda Catalan et de l’Américain Michael Sharp, membres du groupe d’experts de l’ONU venus enquêter au Kasaï.
Chaque camp a finalement obtenu une demi-victoire. Adoptée sans vote le 23 juin, la résolution du Conseil des droits de l’homme de l’ONU stipule que les enquêteurs dépendront des accès fournis par les autorités congolaises et devront communiquer les résultats de leur travail aux juridictions nationales, auxquelles il reviendra de juger les auteurs des crimes.
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Bien que la RDC accueille depuis 1999 la plus longue et la plus chère mission des Nations unies (la Monusco), la relation entre les deux fonctionne toujours par à-coups. Le même jour que ces nominations, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) a publié un rapport sur les violations commises dans toute la RDC de janvier à juin 2017. Précisément, 2 822 actes sont recensés, commis en majorité par des agents de l’Etat, selon le texte. Ceux-ci auraient exécuté sommairement au moins 591 personnes dont 35 femmes et 170 enfants. Les groupes armés seraient quant à eux responsables d’au moins 345 meurtres.
Le BCNUDH pointe en particulier les forces armées congolaises, dans les provinces du Haut-Katanga, du Kasaï-Central et du Nord-Kivu. Il les accuse explicitement de soutenir des groupes armés contre des civils dans la province du Tanganyika, où de nombreux viols ont été répertoriés, et dans les provinces du Kasaï, où a eu lieu une « répression brutale et disproportionnée ». C’est encore l’armée qui est accusée d’avoir creusé la majorité des 80 fosses communes dans les Kasaï.
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Ces chiffres interviennent alors que perdure la crise politique en RDC. Censées se tenir en novembre 2016, les élections générales avaient été repoussées à courant 2017 par un accord signé le 31 décembre par la majorité présidentielle et l’opposition. Mais chaque jour qui passe ôte un peu plus l’espoir de voir les différents scrutins organisés. Un énième « glissement » permettant à Joseph Kabila et à ses partisans de se maintenir au pouvoir.
Reddition du chef de guerre Sheka
Dans un message à peine subliminal, les membres du Conseil de sécurité ont, mercredi, dit craindre que « la RDC et la région ne soient exposées à un risque accru d’insécurité et d’instabilité si les acteurs politiques ne font pas preuve de bonne foi et d’une volonté politique renouvelée ».
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Ce même jour, les Nations Unies pouvaient enfin se satisfaire d’une bonne nouvelle, si rare en provenance de RDC. Le chef de guerre Ntabo Ntaberi plus connu sous le pseudonyme de « Sheka » s’est rendu à la Monusco. En 2010, à la tête d’un groupe de miliciens Maï-Maï, il avait été accusé d’avoir violé près de 400 femmes, hommes et enfants dans le territoire de Walikale, à l’est du pays. L’année suivante, la justice militaire congolaise avait lancé un mandat d’arrêt contre lui, sans jamais arriver à le faire appliquer.
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Le Conseil de sécurité de l’ONU exige des élections avant fin 2017 en RDC
Le Conseil de sécurité se dit préoccupé par la situation en République démocratique du Congo et exige, selon une déclaration, des élections en RDC avant fin 2017. Il réclame l’application de l’accord politique du 31 décembre 2016
“Le Conseil souligne qu’il est urgent de mettre en œuvre l’Accord, en toute bonne foi et dans son intégralité, afin que soient organisées, comme convenu dans l’Accord, au plus tard en décembre 2017, des élections crédibles et inclusives qui se déroulent dans le calme et en temps voulu et qui conduisent à une passation pacifique du pouvoir, conformément à la Constitution congolaise et à la résolution 2348 du Conseil, y compris en y faisant participer les femmes pleinement et dans des conditions d’égalité,” indique la déclaration du Conseil de sécurité.
L’instance onusienne constate “avec inquiétude la lenteur des progrès réalisés dans l’application de l’Accord global et inclusif”. Il note des “arrangements particuliers” portant sur l’application dudit accord n’ont pas été paraphés par toutes parties prenantes.
Pour le Conseil réaffirme “cet accord offre une feuille de route réaliste pour la tenue d’élections pacifiques et démocratiques”.
La déclaration interpelle ainsi tous les acteurs politiques congolais, les plaçant face à leurs responsabilités, “notamment celles de surmonter leurs divergences pour parvenir à un consensus et de promouvoir les intérêts et le bien-être de la population avant toute autre considération, et engage fermement toutes les parties prenantes à redoubler d’efforts pour garantir la participation de tous les signataires de l’Accord à sa mise en œuvre, y compris au processus devant aboutir à la nomination du Président du Conseil national de suivi de l’Accord (CNSA)”.
La semaine dernière, Joseph Olenghankoy, président des Forces novatrices pour l’union et la solidarité, a été désigné comme président du CNSA lors d’une réunion présidée par les présidents de deux chambres du parlement, sans une bonne partie de l’opposition.
Le président du CNSA désigné sans consensus n’est pas reconnu par cette bonne frange de l’opposition ni par les évêques qui avaient assuré la médiation au dialogue ayant conduit à la signature de l’Accord pour la transition.
Le Conseil de sécurité demande à tous les partis politiques, à leurs sympathisants et aux autres acteurs politiques de garder leur calme et de s’abstenir de recourir à quelque forme de violence que ce soit. Il réaffirme sa volonté d’agir en conséquence envers tous les acteurs congolais dont les actions et les déclarations entraveraient la mise en œuvre de l’Accord et l’organisation des élections.
Sur le terrain, plusieurs plateformes de l’opposition ont appelé à des actions pour forcer le pouvoir à appliquer l’accord. Le député Ne Mwanda Nsemi, chef du groupe politico-religieux Bundu dia Kongo a prévu une manifestation le 7 août et le Rassemblement, principale coalition de l’opposition, des villes-mortes du 8 au 9 août.
Préoccupé par les violences croissantes dans la région du Kasaï où des forces de sécurité affrontent une milice ethnique, le Conseil de sécurité dit prendre note des déclarations de représentants de la RDC affirmant que certains de ces charniers seraient en fait des sites d’inhumation.
L’ONU a, en effet, recensé près d’une centaine de ces sites présumés être des charniers. Mais le gouvernement les imputent aux miliciens et soutient qu’il s’agirait pour certains, des sites d’inhumation.
Le Conseil de sécurité prévient cependant que les violations constatées dans le Kasaï sont “susceptibles de constituer des crimes de guerre selon le droit international”.
Le Conseil se déclare également préoccupé par la crise humanitaire provoquée par la violence, qui a déplacé plus de 1,4 million de personnes et en a forcé plus de 30 000 à fuir le pays. Il souligne l’urgente nécessité de ménager aux acteurs humanitaires un accès sain et sans entrave.