J’avais juré de ne jamais m’en prendre aux magistrats du système judiciaire camerounais. Mais après le verdict inique rendu par le Tribunal de condamnation systématique (pompeusement appelé Tribunal criminel spécial au Cameroun !) le 3 novembre dernier contre M. Polycarpe Abah Abah, il m’est difficile de résister à cette envie.
Quand un magistrat, père de famille, prend sur lui de condamner un autre père de famille alors que tous les documents de son dossier de procédure ainsi que les témoignages concordants établissent de manière claire son innocence, c’est que soit il est habité par une indicible cruauté et une indescriptible méchanceté, soit sa décision est influencée par des forces politiques obscures tapies dans les salons feutrés du palais d’Etoudi.
La seconde hypothèse me semble vraie. Tout se passe comme si en nommant les magistrats du TCS en avril 2012, Paul Biya et tous les « petits machiavels » de son clan villageois, qui ne jurent que par la conservation du pouvoir au nom de la famille, leur ont remis un ordre de mission avec mention à l’objet : « condamner à tout prix ces indésirables du G11 ». Et pourtant !
RÉSUMÉ DES FAITS
Tout commence le 28 avril 2000. Au cours d’une cérémonie de remise solennelle de chèques aux bénéficiaires de remboursement des crédits TVA au Hilton Hotel de Yaoundé, Polycarpe Abah Abah, alors directeur des Impôts, constate qu’un de ses collaborateurs a tiré des chèques (40 au total) destinés au remboursement de la TVA sur son compte personnel plutôt que sur celui intitulé « Remboursement de la TVA ».
Les deux numéros des comptes ouvert dans les livres de la Commercial Bank of Cameroon (CBC) ne diffèrent que d’un chiffre (9 pour « Remboursement de la TVA », 0 pour Abah Abah). S’étant rendu compte de cette erreur, M.Abah Abah suspend la cérémonie et instruit son collaborateur de préparer une lettre d’opposition (conformément à l’article 46 du règlement CEMAC sur le système de paiement) aux fins de suspension des paiements. Ladite lettre est acheminée le même jour à la CBC.
LA CBC CREDITE LE COMPTE D’ABAH ABAH D’ELLE-MEME
Bien plus, l’ancien directeur des Impôts contacte par téléphone Mme Ndoung, directrice de l’agence CBC-Yaoundé pour lui signifier son opposition à ces paiements. Malgré cela, le compte personnel de Polycarpe Abah Abah (N°301 807 01 S) est crédité le 3 mai 2000 à partir de celui « Remboursement de TVA » (N° 301 897 01 M) de la somme de 1 158 352 393 F CFA. Pourquoi ce virement malgré la lettre d’opposition et le coup de fil d’Abah Abah ? La raison se trouve dans la lettre N°060/DG/LF que la CBC adresse à M.Abah Abah le 11 mai 2000.
L’ERREUR D’UN AGENT INATTENTIONNE DE LA CBC
Dans la dite correspondance, la banque fait savoir que : « en raison du nombre de chèques déjà signé à cette date sur ledit compte (celui d’Abah Abah, ndlr), et du fait que la signature de l’Etat ne saurait être contestée…nous avons honoré tous les chèques présentés pour sauvegarder les intérêts de toutes les parties ».
S’agissant de l’erreur, la CBC l’explique de la sorte : « l’agent (de la CBC bien sûr, ndlr) en charge de cette fonction, dans la précipitation et par erreur, a remis à votre mandataire le chéquier de votre compte personnel en lieu et place du chéquier du compte de « Remboursement de TVA… ». Par ailleurs la banque reconnait (et c’est important !) que « …nous portons la responsabilité de cette erreur ».
LE VIREMENT A ETE EXTRAIT DU COMPTE D’ABAH ABAH PAR LA CBC
Et cette prise en charge de responsabilité par la CBC s’est matérialisée le 8 mai 2000 (soit 3 jours avant la correspondance suscitée et après le virement) par l’extourne (le retrait) de ce virement à sa date de valeur (le 8 mai bien sur !) du compte personnel d’Abah Abah. Donc cet argent n’a pas produit d’intérêt.
Les 1 158 352 393 F CFA ont été comptabilisés dans l’historique du compte de la direction des Impôts (N°301 725 01G) le 8 mai 2000. Tous les 40 chèques délivrés aux structures bénéficiaires du remboursement TVA ont été extournés du compte personnel d’Abah Abah pour celui de la direction des Impôts. 40 tickets comptables débit justifiant cette extourne ont été signés par les services comptables de la CBC.
Tous les titulaires des 40 chèques (les trésoreries générales de Yaoundé et de Douala ainsi que pas mal d’entreprises) ont perçu leur argent. Autrement dit, la totalité des 1 158 352 393 F CFA (dont le détournement est imputé à Abah Abah !) a été versée aux bénéficiaires. Aux esprits avisés et lucides de nous dire où se trouve le détournement.
-Je produirai lundi une copie de cette correspondance de la CBC du 11 mai 2000
Michel Biem Tong, Hurinews.com