Zéro Mort: Pornographie de la mort et immortalité obscène au Cameroun
Par Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
À l’occasion de la célébration de la fête de la jeunesse au Cameroun, le président dont les rumeurs insistantes ont, une fois de plus, annoncé la mort est évidemment encore en vie. Ce président est particulièrement connu pour terroriser la population avec le spectacle de son necropouvoir, permettant ainsi de célébrer son immortalité obscène. C’est surtout une démonstration performative du pouvoir souverain à travers la mise en scène à intervalle régulier du spectacle de la mort réelle et fausse, avec la transformation du pays en une véritable scène géante nécropolitique.
La nécropolitique est une pratique affective construite autour de la peur de la mort, qui fonctionne avec l’interpellation performative de moi ou le chaos, ou nous contre les « fauteurs de troubles », et la guerre. En effet, beaucoup craignent que la mort du dictateur de longue date suscite des luttes intestines ou des troubles publics qui pourraient plonger ou précipiter le pays dans le chaos, renforçant ainsi la nécessité de célébrer l’immortalité obscène du tyran; tout en transformant du même coup les opposants légitimes à son régime en «fauteurs de troubles», les soumettant au lynchage populaire et médiatique, sous l’accusation fallacieuse que tous ces opposants souhaitent ou auraient souhaité en sourdine sa mort, même si ce n’est pas le cas. En plus, cela contribue à empêcher les Camerounais ordinaires qui sont assassinés notamment dans la région anglophone du pays, de pleurer dignement leurs morts. Ainsi, dans cette politique de la mort, le souverain décide qui est digne d’être pleuré et qui ne devrait pas, comme il décide qui a le droit de vivre et qui a le droit de mourir.
Cette production «pornographique de la mort» est la démonstration que manipuler la vie et la mort est la plus grande puissance d’un dictateur.
Les vrais dictateurs tentent toujours de contrôler la contingence par un ordre stable et la régulation du destin par la gestion et la discipline de la population à travers ce qu’Achille Mbembe appelle «nécropouvoir». Achille Mbembe définit en effet ce type de pouvoir comme « nécropouvoir», qui est la subjugation de la vie au pouvoir de la mort. Le Nécro pouvoir est le pouvoir souverain qui est mis en place pour la destruction maximale des personnes et la création des deathscapes- [mouroirs concentrationnaires], des formes nouvelles et uniques d’existence sociale dans laquelle de vastes populations sont soumises à des conditions de vie leur conférant le statut de morts-vivants. Ce qui est indiscutablement à l’œuvre au Cameroun.
Les paysages de la mort désignent des espaces où la mort survient et où la loi a été suspendue, produisant des sujets que le philosophe italien Giorgio Agamben appelle homo sacer. L’homo sacer n’est pas directement tué mais soumis à des conditions de vie qui lui confèrent le statut de mort-vivant, et s’engage souvent dans des pratiques autodestructrices comme moyen de survie, à l’instar de soutenir un régime gérontocratique parasitaire qui lui suce la vie à sec.
Le président (Paul Biya pour ne pas le nommer) a donc une fois de plus profité de l’occasion morbide pour s’en prendre aux internautes, combattants de la liberté et véritables guerriers digitaux, les seuls qui l’empêchent encore de tyranniser en paix, les appelant de tous les noms d’oiseaux à la télévision nationale. Il est clair que ces “fauteurs de troubles” sont aujourd’hui en réalité les seuls vrais adversaires qui résistent à son diktat dans ce pays.
Mais au grand timonier, nous disons: «Monsieur le dictateur, vous devrez composer avec nous, les internautes indociles contre votre nécropouvoir, pour promouvoir une expérience collective nouvelle de la démocratie, et une réelle compréhension de la vie humaine et de ses valeurs, après tant d’exposition à votre nécropouvoir!».
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
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English version
Zero Mort: Death Porn and Obscene Immortality in Cameroon
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
As with the day of the youth in Cameroon, the president whose insistent rumors have, once more, announced his death is obviously still alive. The president is known to terrorize the population with the spectacle of his undeadness to celebrate his obscene immortality. This is a performative demonstration of sovereign power through staging spectacle of real and fake death and turning the country into a necropolitical stage.
Necropolitics is an affective practice built around the fear of death which functions with the performative interpellation of me or the chaos, us versus the “troublemakers” and war. Indeed, many fear that the death of the longtime dictator will spark intense political infighting or public unrest that could plunge the country into chaos. In the process, reinforcing the need to celebrate the tyrant’s obscene immortality while transforming legitimate opponents to his regime into “troublemakers” and subject them to popular lynching for wishing him dead even if they do not. More, denying ordinary Cameroonians being murdered in the Anglophone region of the country from properly mourning their dead. Thus, in this politics of death, the sovereign decides who is worthy of being mourned and who is not as he decides who has the right to live and who has the right to die.
This production of “death-porn” is the demonstration that manipulating life and death is the greatest power of a dictator.
Real dictators always attempt to control contingency through a stable order and the regulation of fate through the management and discipline of the population through what Achille Mbembe calls “necropower”. Achille Mbembe defines this kind of power as “necropower,” which is the subjugation of life to the power of death. Necropower is the sovereign power that is set up for the maximum destruction of persons and the creation of deathscapes, new and unique forms of social existence in which vast populations are subject to conditions of life conferring upon them the status of living dead.
Deathscapes denote spaces where death occurs and where the law has been suspended producing subjects that the Italian philosopher Giorgio Agamben calls homo sacer. The homo sacer is not directly killed but subjected to condition of life that confer upon him the status of living-dead and often engage in self-destructive practices as a means of survival like supporting a parasitic gerontocratic regime that sucks life out of him dry.
The president took the opportunity to take shots against the freedom fighters and digital warrior who prevent him to tyrannize in peace, calling them names on national television. It is clear that these “troublemakers” are actually the only real opponents who resist his diktat in this country and to the great helmsman: you will have to deal with us, unpacified and unruly Internet users against your necropower and a renewed collective experience of democracy and a real understanding of human life and its values after so much exposure to necropower!
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P