Au Zimbabwe, l’ex-ministre des Finances sous Robert Mugabe comparaissait samedi 25 novembre devant la justice. Il a été inculpé pour corruption, fraude et détournement de bien. Lors de son audience, il a relaté comment il avait été enlevé par des militaires, bâillonné, maltraité pendant près d’une semaine. Le témoignage de son arrestation -dans les heures qui ont suivi le coup de force de l’armée – suscite des inquiétudes. Le nouvel homme fort du pays, Emmerson Mnangagwa, a été le bras droit de Robert Mugabe pendant près de 40 ans et s’est signalé comme le fidèle exécuteur des basses besognes de l’ex-chef de l’Etat.
Violences électorales en 2008, disparition d’opposants, invasion des fermes début 2000, Mnangagwa aura été présent au gouvernement tout au long. Mais un événement aura particulièrement entaché la réputation de celui qu’on surnomme le crocodile pour sa personnalité impitoyable, le massacre de Gukurahundi. Au début des années 1980, le gouvernement envoie l’armée dans le sud du pays pour mater une rébellion opposée au régime de Robert Mugabe.
S’en suivra le massacre d’environ 20 000 personnes, principalement de l’ethnie Ndebele. A l’époque Emmerson Mnangaga est ministre de la Sécurité d’Etat.
Pour Dewa Mavhinga, de l’organisation des droits de l’homme Human Rights Watch, il n’y a aucun doute Mnangagwa était au courant et a participé à la planification et l’exécution de la répression : « A l’époque, Mnangagwa a évoqué le sujet à l’occasion de plusieurs rencontres avec la population. Une de ces rencontres était en avril 1983, dans la province du Matabeleland Nord. Mnangagwa alors ministre a dit à la foule que l’armée avait été déployée dans la province comme un feu pour nettoyer la région de tous ses dissidents, et avait anéanti leurs partisans. »
Mnangagwa a toujours nié toute responsabilité malgré les conclusions de plusieurs enquêtes indépendantes d’organisations des droits de l’homme. Pour ces organisations, le nouveau chef de l’Etat doit aujourd’hui 27 novembre s’expliquer sur son rôle et crever l’abcès, s’il veut se dissocier du régime Mugabe.
■ Témoignage
Pour Patson Dzamara, militant, dont le frère a disparu il y a plus de 2 ans, les arrestations en cours sont de mauvais augure. « C’est un mauvais départ pour cette soi-disant nouvelle ère, cette ère de transition. Des gens que comme Ignatus Chombo, Jonathan Moyo ou Saviour Kwasukwere, ainsi que leur famille, sont en train d’être victimisés. Et ça n’a rien à voir avec la justice, ce sont des règlements de compte politiques.
Il ne s’agit pas de respect de l’Etat de droit, mais d’actes de vengeances entre frères qui ensemble ont pillé ce pays. Et d’ailleurs ceux qui sont derrière ce processus (arrestations et procès) sont également malhonnêtes, ils sont tout aussi corrompus. Nous assistons simplement à une accentuation de la rivalité politique. Et ceux qui ont du pouvoir aujourd’hui sont en train de prendre leur revanche. C’est un mauvais départ si je puis dire. »
Patson Dzamara demande que le nouveau gouvernement enquête sur le sort de son frère, Itai Dzamara, et de tous ceux disparus après avoir été enlevés par les services de renseignements sous le régime de Robert Mugabe.
Par RFI