L’alliance sacrée de la Zanu-PF et de l’armée douche les espérances de l’opposition au Zimbabwe
Pour ceux qui, au Zimbabwe, avaient espéré que le départ de Robert Mugabe déboucherait sur une forme de gouvernement de coalition ou d’union nationale entre le pouvoir demeuré aux mains du parti de l’ex-président, la Zanu-PF, et les forces de l’opposition – à commencer par celles du MDC de Morgan Tsvangirai –, le coup est brutal. Fini les illusions : l’annonce du premier gouvernement zimbabwéen post-Mugabe n’est, au mieux, qu’une union nationale entre l’armée et les piliers de la Zanu-PF, les fidèles d’Emmerson Mnangagwa, le nouveau président, ou les ralliés de la dernière heure. Le secrétaire général du MDC, qui plaidait encore quelques jours plus tôt pour la mise en place d’un « mécanisme de transition », est sèchement renvoyé dans les cordes. Le gouvernement d’Emmerson Mnangagwa est celui du contrôle du pouvoir, pas du partage.
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Parmi les ministres nommés, vendredi 1er décembre, par le nouveau chef de l’Etat, qui s’est engagé à redresser l’économie du pays lors de son discours d’investiture, une semaine plus tôt, les sept nouveaux venus sont des poids plume, comme le professeur Amon Murirwa, professeur de l’université du Zimbabwe. Certes, le nombre de membres du gouvernement passe de 32 à 21, mais s’il y a là un gouvernement d’union nationale, il fédère seulement l’armée et la Zanu-PF. Le tout, ancré dans de vieilles complicités.
Répression des années 1980
Deux généraux entrent dans ce gouvernement. Le général Perence Shiri, dont la casquette de commandant de l’armée de l’air était apparue à plusieurs reprises dans les séquences de négociations avec Robert Mugabe, mais aussi le général Sibusiso Moyo, qui avait lu le communiqué, au petit matin du 15 novembre, pour expliquer que les blindés dans les rues de Hararé n’avaient pour vocation que de « corriger » certaines dérives et mettre fin aux activités de « criminels », un verbiage qui renouvelle le vocabulaire des coups d’Etat, mais ne change rien sur le fond. Comme Emmerson Mnangagwa, ces deux hommes ont été impliqués au premier chef lors des séquences particulières du Zimbabwe au cours des quarante dernières années. Ils ont participé à la répression des années 1980 (Perence Shiri commandait alors la 5e brigade « Gukurahundi » qui a porté le fer et le feu dans les provinces du Matabeleland), ont organisé ensemble l’extraction illicite des ressources minières de la République démocratique du Congo (Sibusiso Moyo dirigeait Cosleg, l’entreprise commune à l’armée et aux autorités congolaises qui se payait avec les diamants du Kasaï), etc. Le général Perence Shiri est nommé ministre de l’agriculture et le général Sibusiso Moyo devient chef de la diplomatie zimbabwéenne.
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L’autre groupe influent au sein du gouvernement est constitué par des dignitaires du parti qui ont su changer de bord au bon moment, lorsque la bataille pour la succession de Robert Mugabe entrait dan sa phase finale. Ainsi, Obert Mpofu – longtemps ministre des mines dans plusieurs gouvernements Mugabe, d’une richesse proverbiale – s’est rangé du côté de Mnangagwa et a été l’homme qui a assuré la présidence du comité central de la Zanu-PF, le 19 novembre, lorsque celui-ci s’est réuni pour démettre le chef de l’Etat vieillissant et son entourage, la « phase deux » du coup de force qui montrait l’emprise du groupe des pro-Mnangagwa sur le système du parti. Il est désormais ministre de l’intérieur (et de la culture).
Patrick Chinamasa, qui avait été écarté de son poste de ministre des finances par Robert Mugabe lors de son ultime remaniement parce qu’il préconisait des mesures d’austérité pour stopper la nouvelle dégringolade de l’économie, est réinstallé à ce poste. Il est aussi celui qui illustre la ligne intransigeante de la Zanu-PF, décidée à conserver un pouvoir sans partage. Du reste, lors de son retour à Hararé, Emmerson Mnangagwa avait prononcé un discours dans le même style, parlant de progrès économique en anglais, puis passant au shona pour évoquer l’opposition sur un ton très différent, qualifiant ses responsables « d’ennemis », ou de « chiens qui aboient ».
Durée de vie limitée
Le troisième groupe influent au sein du gouvernement est constitué de fidèles de l’ex-vice président, alors à la tête de la faction Lacoste. Sous l’influence de Grace Mugabe, de Saviour Kasukuwere et de Jonathan Moyo, fidèles de la faction concurrente Generation 40, une épuration de cadres Lacoste du parti ou des provinces avait eu lieu. Les épurés de l’époque sont désormais de retour au gouvernement, comme par exemple Kembo Mohadi, ex-ministre de l’intérieur, sécurocrate, qui devient ministre de la défense. Ziyambi Ziyambi, qui dirigeait au Parlement le comité juridique qui a mis sur pied la motion de censure contre Robert Mugabe, processus qui a fait basculer la situation en le persuadant de démissionner, devient ministre de la justice. Il a été, lui aussi, ministre de l’intérieur par le passé.
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Quant à celui que chacun voyait déjà exercer la fonction de ministre des affaires étrangères, Chris Mutsvanga, le président de l’Association nationale des vétérans, mais aussi ex-ambassadeur en Chine et l’un des piliers de l’opération de prise du pouvoir d’Emmerson Mnangagwa, il est finalement nommé à l’information, avec un regard sur les médias. Ce gouvernement marqué par la fidélité, l’armée et les sécurocrates, ne devrait avoir qu’une espérance de vie limitée : des élections doivent être organisées au plus tard en août 2018, lorsque prendra fin le mandat présidentiel de Robert Mugabe, qu’Emmerson Mnangagwa termine actuellement.